À quoi s’attendre quand on commence à enseigner?

Extrait - intro Karine : Je dirais que j'étais un peu comme un poisson hors de l'eau, mais en même temps, j'avais plein de monde qui m'arrosait avec leurs petites chaudières pour me garder aller.

Effet sonore et musique

Animatrice: Bonjour et bienvenue à Imagine l'enseignement, un balado qui démystifie c'est quoi enseigner à l'élémentaire et au secondaire dans les écoles de langue française en Ontario. Moi, c'est Mylène et je vous amène avec moi à travers la province pour rencontrer des enseignants passionnés par leur métier. C'est avec eux qu'on va explorer des grandes thématiques de la profession.
Dans cet épisode, on revisite le passé avec nos invités en parlant de leurs premières années en enseignement. Qu’est-ce qui leur faisait peur en début de carrière? Est-ce qu’ils en ont fait des erreurs? Qu'est-ce qu’ils ont appris et acquis au fil du temps?
On commence en toute vulnérabilité avec les enseignantes Julie et Karine, Shelley qui est aujourd’hui à la direction des services pédagogiques, et Éric, un orienteur au secondaire.

Julie : Je n’enseigne pas comme j'enseignais à la première année, pas du tout. J'ai acquis plein de stratégies, puis j'en ai vu qui étaient efficaces, j'en ai vu qui étaient inefficaces. Écoutez, je me suis déjà excusée à une classe parce que j'avais raté une unité de musique au complet. Je me suis excusée à mes élèves parce que ça n’avait pas fonctionné. Tu sais quoi? C'est pas grave! Et les élèves ils étaient tous cute. « C'est pas grave, Madame. Merci. On va faire d'autres choses. » C'est pas dramatique, mais c'est ça pareil. On a le droit à l'erreur aussi, il faut se dire ça. On n’est pas tout seul. Oui, on a l'impression qu'on est tout seul avec la salle de classe, mais c'est pas vrai. Ça peut arriver qu'il y ait eu des erreurs dans un enseignement, mais ça se reprend.

Shelley : Mes premières années d'enseignement, j'ai fait des choses que là que j'y pense, je ne peux pas croire que j'ai fait ces choses, mais j'étais dans ma première année d'enseignement, donc c'est normal. J’ai appris et maintenant je ne referai plus ces mêmes choses parce que je comprends pourquoi ces pratiques ou ces stratégies ne sont pas efficaces. Mais dans ce temps-là, à ma première année d'enseignement, je faisais le mieux que je pouvais avec les connaissances que j'avais. Mais avec le temps, l'expérience et les connaissances se développent. Et on espère que le personnel enseignant développe leur art d'enseigner, parce que c'est un art et ça se développe. C'est un travail et on doit avoir ce désir de vouloir s'améliorer. Les occasions de perfectionnement professionnel, il y a des ateliers, des webinaires, des conférences gratuites quotidiennement. Ça s'offre, c'est incroyable comment ça s'offre, mais il faut aller chercher ces occasions d'apprentissage.
Karine : Quand je regarde maintenant, je ne sais pas comment j'ai fait, mais ça m'a catapultée vraiment dans le monde. C'était très stimulant, très frustrant. Mais très gratifiant à la fin. J'étais vraiment fière de mon année.

Éric 1:
Il faut savoir en rentrant qu'on va faire des erreurs. Puis, il ne faut pas avoir peur d'aller voir quelqu'un pour dire « Comment tu as fait pour faire ça? Comment tu t'y prends toi pour faire ça? » Parce que c'est drôle, on prône chez nos élèves la collaboration, l'entraide, mais je dirais que souvent, dans nos salles de classe comme enseignants, on s'isole nous-mêmes. Je ne pense pas que c'est parce que les gens ne veulent pas aider. Je pense que les gens ont peur de demander de l'aide pour ne pas paraître trop incompétents.

Animatrice:
Cet esprit d’entraide et de soutien, je l’ai bien vu au fil de mes rencontres. On continue la conversation avec Éric qu’on vient tout juste d’entendre, un autre Éric qui lui est ancien directeur d’école, Karine et Julie une enseignante de Longlac.

Éric 2:
Mais qu'est ce qu'on s'attend de nos élèves en salle de classe? On s'attend à ce qu'un élève nous pose des questions s'il nous demande de l'aide. Donc oui, on s'attendrait à ce que l'enseignant nous demande de l'aide. Cependant, on sait que les premières années, ça peut être intimidant de faire ça. Je vous dirais que moi, je n'ai pas rencontré de collègue à la direction d'école qui aurait jugé négativement quelqu'un qui demandait de l'aide. Au contraire. Nous, on voit ça comme un signe de force.

Éric 1 : On t'a engagé, pas pour un semestre seulement ou un an, on t'a engagé parce qu'on voit en toi une carrière où on voudrait que tu restes. C'est-à-dire qu'ils sont prêts à investir, c'est certain. Nos directions sont superviseurs, mais souvent, c'est des directions qui ont été enseignants, qui eux aussi ont eu des beaux succès dans leur carrière, qui sont rendus maintenant à la direction, puis qui sont bien outillés pour nous aider. Il ne faut pas avoir peur d'aller voir la direction, je trouve qu'il y a quelque chose qui manque. Ça ne marche pas, on dirait que j'ai de la difficulté avec ce groupe-là, « aurais-tu des idées? » Sans nécessairement que la direction comme telle te donne les réponses, mais ils vont peut-être aider à pister, puis nous envoyer dans les bons collègues peut-être à aller voir.

Éric 2 : C'est de rappeler aux nouveaux enseignants que l’on comprend qu'ils sont en apprentissage. Puis ça prend du temps. Devenir bon en salle de classe, ça prend du temps. Et puis même si tu penses que tu as été très bon ta première année, après cinq ans, tu vas regarder ta première année et tu te dis : ah tu sais-tu quoi, ça j'aurais pu l'améliorer. C'est normal, on est tous en apprentissage. Puis un enseignant ou un nouvel enseignant qui aspire devrait comprendre que on est... on a choisi l'enseignement parce qu'on valorise l'apprentissage.

Karine : Puis aussi, il y avait les vieux, les vieux profs qui faisaient le tour, qui se rentraient le nez dans la porte, « Comment ça va aujourd'hui? Qu'est-ce que t'as fait avec un tel? » « veux-tu que je t'aide? Je peux aller faire des photocopies pour toi. As-tu le corrigé pour telle affaire? Je vais en faire un. »

Julie : J'ai toujours, toujours, toujours partagé toutes mes ressources avec tous les nouveaux membres du personnel qui arrivaient, les nouveaux enseignants, parce que j'aurais tellement voulu que quelqu'un fasse ça pour moi.

Animatrice : Le mentorat se fait de façon naturelle, mais aussi de façon plus officielle, et ce dans toutes les écoles. Sylvain et Anissa m’ont parlé de ce qui se fait dans le système scolaire public en Ontario et Éric de comment ça se passe dans les conseils catholiques.

Sylvain : Notre équipe est responsable c'est programme d'insertion du nouveau personnel enseignant, le PIPNPE. Notre équipe est responsable de les appuyer, premièrement, dans une rencontre durant le mois d'août pour une orientation du système. Bienvenue à Providence, voici comment est-ce qu'on fonctionne, voici que ton talon de chèque va avoir l'air. C'est des choses un peu de ressources humaines. Et ensuite, on tombe avec plusieurs rencontres au fil du semestre ou de l'année, dans des temps forts aussi, les bulletins s'en viennent. « Voici comment on fait les bulletins chez nous, la plateforme pour les faire, s'assurer que les données sont toutes là, rédiger des commentaires. » Ensuite, notre équipe demeure un point de contact pour tous ces nouveaux profs. Ils sont tous jumelés avec un mentor autant que possible dans leur building, dans leur école, mais on reste leur point de contact central, puis ça s’ils changent d'école, ils ont encore nous pour faire appel à des besoins, des ressources, juste des fois, de questionner des choses. « Est-ce que je suis sa bonne voie? »

Anissa : Votre première année, vous basculez dans un programme qui s'appelle PIPNPE. C'est un programme pour les nouveaux enseignants qui dure un an. Votre première année d'enseignement, vous allez être évalué deux fois par votre direction. Oui, mais on ne va pas vous jeter tout seul comme ça dans une salle de classe. Il vous faut un mentor, une personne qui est enseignante, qui enseigne dans votre école, c'est encore mieux, et qui a déjà beaucoup d'années à son actif. Cette personne a le droit d'avoir six demi-journées de suppléance avec vous. Elle va vous aider à vous préparer pour vos évaluations. S'il y a des questions, ça peut être tout bête, mais c'est quoi le code de la photocopieuse? Quand j'ai une sortie, qu'est- ce que je fais? Ou c'est la réunion parents-profs, qu'est- ce que je dis? Donc c'est une personne sur laquelle vous pouvez compter, mais c'est une personne qui est officiellement votre mentor.

Éric 2 : Le moyen le plus efficace que moi j'ai trouvé, c'est le programme de mentorat de parrainage au sein de l'école. Donc moi personnellement, j'identifiais toujours mes enseignants qui avaient le plus de leadership, le plus d'expérience pour parrainer les nouveaux enseignants. Dans une grande école comme le Collège catholique Mer Bleue ça se manifeste par des chefs de secteur, des RDD, eux ont un rôle de leadership au sein de l'école. L'autre moyen, c'est vraiment les équipes de collaboration dans les communautés d'apprentissage professionnel. Ou est-ce que On se regroupe autour d'une problématique ou d'une série d'actions qu'on veut, quelque chose qu'on veut changer dans nos salles de classe. Puis on travaille en équipe justement pour améliorer nos méthodes d'enseignement.

Animatrice: Mais si on est si bien entouré... alors la pression, elle vient d’où?

Julie :
Moi, ce que j'ai vu des nouveaux enseignants, ils se fixent des objectifs tellement hauts. Des fois, c'est qu'ils sont durs sur eux autres. Tu fais ce que tu peux. C’est peut-être pas ce que tu veux, mais tu fais ce que tu peux.
Angèle :
C'est stressant de... Pas de décevoir, mais de pas être à la hauteur. Puis justement, j'étais allée à une conférence cette semaine, puis ça parlait de limiting beliefs, puis ça disait « c'est quoi, toi, qui ne te permet pas d'avancer? ». Moi, c'est de toujours penser que je n’ai pas assez d'expérience pour faire quelque chose. Mais dans le fond, c'est ça, la première année, on dirait tu play catch up un petit peu, parce qu'avec la planification, la correction, les premières années, c'est quand même beaucoup d'ouvrage. Il faut savoir ça, ça c'est la réalité. Tu n'as pas rien de tout cuit dans le bec, tu fais ta préparation. C'est du sport, mais je ne regrette pas mon choix du tout.
Animatrice : Les enseignantes et enseignants que j’ai rencontrés sont fiers du chemin parcouru. Célina, Frédéric, Angèle et Julie terminent avec des mots d’encouragement pour la relève!
Célina: Fais-le. Les premières couples de semaines, oui, sont difficiles, mais après ça, quand tu passes ça, comme n'importe quelle carrière que tu t'en vas, c'est difficile au commencement, mais quand tu pousses, puis tu continues, c'est quelque chose de beau. Avoir un sens d'accomplir quelque chose à la fin de journée, puis avoir des élèves qui disent « Madame, j'ai appris quelque chose », ça fait chaud au cœur, puis ça me dit que je fais quelque chose de bon, puis j'ai besoin de venir demain (rires).
Angèle : Si tu te questionnes, c'est à cause que tu penses pas que tu vas aimer ça ou si c'est à cause que tu stresses par rapport à la gestion de classe ou le fait de parler en face du monde. Si c'est les petites et je dis ça entre guillemets « des petites choses » qui te stressent, je te dirais go for it parce que c'est minime. Tu vas te trouver, tu vas apprendre à parler en avant à des gens sans stress.

Frédéric : C'est une carrière qui est hyper valorisante. Je dis tout le temps ça prend beaucoup d'énergie, mais ça donne beaucoup d'énergie. C'est nourrissant l'énergie des élèves. C'est pour ça que je trempe encore dans l'éducation, ça va être là à temps plein, mais si j'avais eu à quitter l'éducation puis à couper ce pont-là complètement, je pense qu'il y aurait une grosse partie de moi qui manquerait quelque chose, présentement. Dans l'enseignement, tu fais une différence dans la vie de ces jeunes-là à tous les jours. Il n'y a pas beaucoup de professions où tu peux avoir ce sentiment-là, je pense. Ça, c'est définitivement très valorisant.

Julie :
C'est notre futur, ça. C'est nos jeunes qui vont mener le monde un jour. Si tu veux avoir un petit impact là-dessus. C'est de les encourager, de devenir la meilleure version de soi. Go. Il n’y a rien à perdre. C'est une belle carrière, super belle.

Animatrice : Je ne sais pas pour vous, mais moi ça me rassure d’entendre ça! De savoir qu’il y a tout un réseau de personnes bienveillantes qui veulent que les nouveaux enseignants réussissent. De se rappeler qu’il faut faire preuve d’indulgence envers soi et justement voir au-delà des petites erreurs qu’on peut faire en début de carrière... parce que tout le monde en fait!

Merci d’avoir été à l’écoute et merci aux intervenants qui se sont livrés en toute authenticité dans cet épisode : Julie, Julie, Frédéric, Angèle, Célina, Anissa, Shelly, Karine, Sylvain, Éric et Éric. À bientôt pour un prochain épisode d'imagine l'enseignement!

Ce balado est une production de l’Université d’Ottawa et découle de la stratégie ontarienne de recrutement et de rétention du personnel enseignant de langue française.

Ce projet est rendu possible grâce à l’appui financier du Gouvernement du Canada et du Gouvernement de l’Ontario dans le cadre de l’Entente Canada-Ontario. Merci!

À quoi s’attendre quand on commence à enseigner?
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